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LA FRANCE ET DIEU
CHAPITRE IV
Les Révolutions
Je ne sais pas si nous devons dire heureusement ou malheureusement, mais de par son appartenance, par sa taille, et par sa position dans la vieille Europe, sans doute également par son climat tempéré et une géographie physique avantageuse, la France a souvent servi d'exemple pour de nombreux peuples. Il suffit d'ailleurs de regarder combien encore aujourd'hui, le tourisme international visite notre pays, pour percevoir sans en tirer pour cela de l'orgueil, l'intérêt qu'il symbolise dans le monde. Pour une majorité de ceux qui y recherchent des bases culturelles, leur intérêt pour l'ensemble de l'Europe est fort naturel, mais nous devons rester concrets et nous interroger pourquoi la France est-
Après la disparition progressive de l'empire romain, et la chute qui s'en suivit pour une majorité de l'Europe, ce fut du royaume franc, et en particulier par Charlemagne, que naquirent des structures chrétiennes stables qui allaient perdurer jusqu'à nos jours sur une grande partie de l'Europe. Plus proche de nous cependant, mais non moins perceptible par nos voisins directs, ainsi qu'une grande partie du monde colonisé par cette vieille Europe, fut la révolution de 1789.
Il est en effet incontestable, " c'est la Révolution française qui devait voir formuler, pour la première fois, l'idée d'une révolution, sociale à caractère communiste, dans le cadre de la Conspiration des Egaux 1". Précurseur de tant d'autres mouvements de par le monde, elle permit la synthèse d'un certain Karl Marx, principal moteur de la révolution Soviétique de 1917. C'est pourquoi nous allons tenter de définir le contexte d'analyse de cet homme afin de nous en servir comme guide de réflexion.
1 ) Conspiration des Égaux : Conspiration dirigée par Babeuf contre le Directoire en 1796 et 1797. Le complot fut dénoncé et ses instigateurs furent guillotinés.
Contrairement à notre voisin l'Angleterre, dont la royauté avait commencé depuis plusieurs siècles de " lâcher du lest " vers une monarchie parlementaire, la monarchie française s'était enfermée dans l'absolutisme, dont Louis XIV fut l'apogée. Après la révolution, cet absolutisme régressa certes de 1790 à 1792 puis de 1815 à 1848 au profit d'une monarchie constitutionnelle, mais ne fit jamais le pas complet vers le parlementarisme qui conduit à l'évolution " Du roi souverain au peuple souverain ".
Les monarchies parlementaires sont le fruit d'une longue mutation durant laquelle le pouvoir absolu du monarque est peu à peu conquis par la bourgeoisie. Initié par celle-
En Angleterre, pays considéré comme le berceau du parlementarisme et la référence des monarchies parlementaires, la mutation commença dès le XIVe siècle. Des luttes incessantes et parfois violentes entre le pouvoir royal et celui du Parlement, finirent par profiter à ce dernier. Le glissement des compétences du souverain vers le peuple se fit de manière progressive, assurant ainsi la pérennité du système dans lequel le pouvoir royal est réduit à sa plus simple expression.
Cette stabilité fit de l'Angleterre l'état le plus en avance de toutes les nations européennes, en ce qui concerne la " révolution industrielle ", mais quel en fut le bénéfice pour les classes laborieuses ? De la campagne où elles vivaient mal car exploitées par des propriétaires terriens desquels elles dépendaient directement, ces classes souffrantes étaient passées à la ville, dans un élément encore plus hostile aux pauvres. Du peu de terre dont elles tiraient préalablement un minimum de survie en cas de famines, elles étaient devenues entièrement dépendantes de celui qui leur donnait du travail dans un capitalisme naissant, plus organisé à défendre le profit que les actions sociales.
Le problème que posait la rapidité de la croissance urbaine en Angleterre fut dramatiquement souligné par une épidémie de choléra en 1832, encore que l'épidémie fût parfois tout aussi meurtrière dans les campagnes. Les nouvelles villes industrielles étaient concentrées sur de très petites surfaces, car tout le monde allait travailler à pied. En ville, la surface dont disposait chacun était fonction de sa situation économique. La très petite fraction de la population qui possédait du terrain, sans doute moins de cinq pour cent dans une ville cotonnière, occupait souvent cinquante pour cent de la superficie totale. La population laborieuse vivait là où usines, routes, canaux, puis chemins de fer, le lui permettaient.
Le résultat était sordide : au XIXe siècle, les villes n'étaient que fumées et puanteurs, et coûtaient cher en loyers et en vies humaines à leurs habitants. Une maison convenable pouvait demander à un ouvrier spécialisé le quart de son revenu, et rares étaient les familles qui ne pouvaient jamais se l'offrir. Aussi, les taudis se multiplièrent au centre des villes, " nids à corbeaux " de Londres, caves de Liverpool et Manchester, " Chine " de Merthyr Tydfil, ou encore de nouveaux types d'habitations " régionales " selon l'imagination des propriétaires et spéculateurs, depuis les logements " dos-
Les conditions de logement étaient mauvaises, le système sanitaire pire encore. Les citadins les plus aisés pouvaient créer des commissions chargées de l'adduction d'eau, des égouts, de l'éclairage des rues et de la voirie, mais au détriment de leurs voisins plus pauvres. Bien souvent, les eaux usées d'un nouveau quartier des classes moyennes s'écoulaient dans les points d'eau qu'utilisait la population ouvrière.
Les conditions de vie y étaient très dures et très inégales, pour une grande majorité de la population, et ceci fit dire aux contemporains de Toynbee d'accord, avec Karl Marks, que jusqu'en 1848, l'industrialisation capitaliste n'avait pas amélioré la condition des classes laborieuses.
Cette progression aurait existé si la bourgeoisie anglaise avait été parfaitement intègre, et avait utilisé sa puissance à instaurer le parlementarisme, afin d'en faire profiter toutes les strates sociales. Il n'en était malheureusement pas ainsi et les classes dominantes se comportaient comme la monarchie contre laquelle elles lutaient, face aux classes laborieuses qu'elles exploitaient.
Ce fut également le cas en France ! Car chez nous, comme en toute autre partie de l'occident, les bourgeois étaient déjà actifs, riches et puissants au moyen age. Même si dans notre pays à dominante catholique, la Contre-
Il y avait ensuite la bourgeoisie des offices, propriétaires de charges, qui constituait l'une des clientèles de la monarchie et qui était aliénée au système. Ces bourgeois, " officiers " étaient volontiers immobiles et conservateurs, engourdis dans le passé amoureux eux aussi de leurs privilèges et ils ne toléraient d'autre mouvement que celui des opinions.
Une troisième catégorie regroupait les médecins, les avocats, toutes les professions libérales. Ceux-
Enfin le quatrième groupe, était celui des professions commerciales : Les maîtres et les marchands, ceux qui fabriquaient et ceux qui vendaient, mais que l'on confondait le plus souvent, ne débordant pas du cadre de la petite entreprise; ceux qui produisaient sur une échelle plus vaste, et surtout les négociants, qui étaient vraiment reliés au circuit des échanges, formaient une bourgeoisie plus dynamique et déjà conquérante, mais où il ne faut voir qu'avec précaution les ancêtres de nos capitalistes.
De ces quatre catégories bourgeoises, les deux premières étaient inactives, et seule la dernière jouait un rôle essentiel dans l'économie.
Contrairement à sa puissante homologue anglaise qui avait pu se battre seule contre la monarchie, la chance de la " faible " bourgeoisie française, fut de ne pas être seule. Si elle trouva des complicités en dépit des antagonismes, du côté des privilégiés, elle possédait ( malgré d'autres antagonismes ) une " clientèle " dans le peuple des villes.
Le monde du travail du XVIIIe siècle, n'avait effectivement pas même une rudimentaire unité, ni l'ombre d'une conscience de classe. Les moins libres parmi les ouvriers étaient les " compagnons ", que liaient les règlements de la corporation et qui vivaient sous le toit même de leur patron, dans une proximité qui devenait vite une solidarité, si non une dépendance. Les ouvriers qui travaillaient dans les manufactures des grandes villes pouvaient peut-
La haine et la lutte auraient été chose possible entre l'ouvrier et le bourgeois, car tandis qu'au cours du siècle s'éleva le revenu bourgeois, le pouvoir d'achat populaire ne cessa de baisser. Mais la nature et les causes d'un tel contraste l'empêchèrent de dégénérer et changèrent le conflit virtuel en un autre conflit.
Les difficultés ou les misères de l'ouvrier ne tenaient pas tant à la faiblesse du salaire qu'au prix des denrées. Pendant de longues années, le taux du salaire demeura une constante, et l'ouvrier l'oublia pour se laisser fasciner par la variable dont la montée ou la baisse commanda les vicissitudes de son existence : la courbe des prix, et en particulier celle du prix du pain. Elle était la dépense primordiale qui dévorait à elle seule la moitié du revenu ouvrier. La conséquence fut qu'on songea beaucoup moins à réclamer une augmentation du salaire (revendication qui aurait opposé l'ouvrier à son employeur bourgeois) qu'à exiger une taxation des prix, ce qui détourna la colère populaire vers l'aristocrate possesseur des terres, bénéficiaire de la rente féodale et accapareur des grains.
Le manque d'unité et de conscience collective du peuple des villes fut une aubaine pour la bourgeoisie. Ceux-
Contrairement à la bourgeoisie anglaise qui persévérait de longue date à faire levier de tout son poids entre les différentes classes supérieures pour se faire sa place au soleil, la bourgeoisie française fraîchement ressuscitée était confrontée sur le marché international à sa grande sœur d'outre-
C'est ainsi que même si la conscience bourgeoise condamnait le style de vie aristocratique pour sa stérilité, sa dépense ostentatoire, il existait aussi une conscience aristocratique pour décider que les bourgeois étaient les êtres les plus routiniers du monde, attachés à leurs traditions et à leurs préjugés, dépourvus tout à la fois d'activité, de sensibilité et d'imagination. Et lorsque le bourgeois " parvenait " ou se faisait anoblir, c'était pour interdire aussitôt à d'autres le pas qu'il venait de franchir. Nul n'était alors plus intransigeant que lui pour démontrer que l'inégalité des conditions était requise par le progrès ou l'existence même de toute société.
En 1789, afin d'arriver à ses fins, cette bourgeoisie encore trop peu puissante en elle-
1) Cahiers de doléances : Sous l'Ancien Régime, documents dans lesquels les diverses assemblées consignaient les réclamations et les vœux que leurs représentants devaient faire valoir lors des états généraux.
Le peuple qui par effet de groupe se laisse aller à justifier ses plus bas instincts envers ses persécuteurs, s’abaisse à reproduire ce qu’il condamnait chez les autres !
Du courant philosophique né d'une autre partie d'elle-
1) Sans-
2) Michelet : Grand Historien français (Paris 1798 -
Le courant philosophique du XVIIIe n'avait pas atteint que les classes bourgeoises, car la noblesse désireuse à la fois de conserver les privilèges liés à l'absolutisme de la monarchie, aurait cependant aimé acquérir des droits que le parlementarisme lui aurait apportés, sans bien sûr perdre aucun de ses avantages. C'est ainsi que la Révolution fut donc le fait des " privilégiés ", noblesse et bourgeoisie, dont la conscience politique s'était aiguisée au contact de la philosophie, désormais assez proches du gouvernement pour en connaître les faiblesses et pour désirer y participer.
Jusqu'en 1788, quand se produisit le grand divorce entre les ambitions concurrentes de la noblesse et de la bourgeoisie, la lutte contre l'absolutisme furent le fait des " corps 3", soutenus à la cour par les cabales et menés devant l'opinion par le grand corps hybride des parlements, tous unis en une opposition commune au " despotisme ministériel ", l'adversaire en principe tout-
Dans la lutte contre l'absolutisme, l'action des privilégiés avait trouvé un allié paradoxal dans la philosophie des Lumières 4, pourtant ennemie mortelle des " corps ". Autant qu'à la " tradition " religieuse, les philosophes étaient, en effet, opposés aux " privilèges " politiques et sociaux, " précédents ", " traditions ", " usages ", mais surtout en tant que " distinctions" et avantages injustifiés et abusifs. Mais ils ne l'étaient pas moins au pouvoir arbitraire; et leurs déclamations, outre le climat de révolte qu'elles contribuèrent à créer, fournirent à chaque groupe les armes propres à défendre leurs intérêts particuliers. Le nombre et la puissance des privilèges étaient tels qu'aucune action partielle ne semblait plus pouvoir en réduire le nombre ou la nocivité.
3) Corps : Parties de l'État dont les membres ne sont pas élus, tel les Grands corps de l'État, Cour des comptes, administrations, justice...
4) Philosophie des Lumière : Philosophie partisane d’idées nouvelles au dix-
La réorganisation indispensable ne pouvait donc venir des " corps " eux-
Dans l'impuissance de l'autorité traditionnelle et l'impossibilité d'aboutir à un large consensus, le régime se révélait incapable de se réformer lui-
Comme chacun sait, cet ensemble détonant allait trouver l'étincelle qui mettrait le feu aux poudres, pour donner 1789 ; 1789 et sa révolution. Une révolution qui, pour la majorité d'aujourd'hui quelques années après leur sortie des études, ne reste qu'un vague souvenir de 14 juillet et la prise de la Bastille, a pourtant duré dix années. Dix années pendant lesquelles, au-
Après la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et la destruction de la féodalité toutes deux effectuées dès 1789, la vente des biens nationaux confisqués au clergé, permit à la révolution bourgeoise par cette expropriation massive qui toucha près du dixième du territoire national, de s'attacher par des liens extrêmement forts le groupe de ceux que l'on vit, au feu des enchères en 1790 et 1791, profiter de " l'aubaine ".
Consolidation d'un côté, cassure de l'autre: la nationalisation des biens ecclésiastiques fut inséparable de la fonctionnarisation qu'entreprit la Constitution civile du clergé, votée le 12 juillet 1790.
Dans ces mêmes jours à Paris, malgré la pluie et, l'impréparation (palliée par le travail volontaire de milliers de citoyens) et surtout le serment sans chaleur de Louis XVI, la fête de la Fédération (14 juillet 1790) fut la manifestation ultime d'une Révolution qui voulait croire encore à sa parfaite unanimité.
Par cette nouvelle Constitution civile du clergé, évêques et curés devenus fonctionnaires élus dans le cadre des nouvelles divisions administratives, durent prêter le serment civique, ce qui n’arrangea pas la cohésion. L'hostilité du pape Pie VI, sa condamnation formelle des " jureurs 1" en avril 1791, introduisit une irrémédiable faille dans un monde révolutionnaire qui s'efforçait de sauvegarder le mythe de l'unanimité nationale. Cette cassure devait, dans les mois et les années à venir, être de grande importance dans une opinion populaire dont le facteur religieux fut un élément de polarisation.
1) Jureurs : Appellation des prêtres qui, à cette époque, durent prêter serment à la Constitution civile du clergé.
Un an plus tard, la scène avait changé: ce que l'iconographie révolutionnaire nous présente à la date du 17 juillet 1791 en grinçant rappel de la Fédération, c'est la fusillade du Champ de mars. Animés par le club des Cordeliers 2, les pétitionnaires parisiens réclamaient la déchéance du roi. Bailly, maire de Paris, La Fayette, commandant la garde nationale, firent proclamer la loi martiale et tirer contre les manifestants (révolutionnaires d'un autre bord) : la cassure allait s'avérer définitive entre la révolution populaire et une certaine révolution bourgeoise.
2) Club des Cordeliers : Club révolutionnaire fondé en avril 1790 avait pour dirigeants Danton, Marat, Desmoulins, Hébert, Chaumette. Il joua un rôle décisif dans la destitution de la monarchie et disparut en mars 1794, lors de l'élimination de ses partisans par Robespierre.
Ce qui était lancé allait faire son chemin, par la contre-
Au-
Tout le dynamisme populaire renouvelé trouva en effet dans le contexte de 1791 et 92 des cadres où s'insérer : l'essor des clubs et sociétés fraternelles couvrit alors la France d'un réseau parfois étonnamment dense de sociétés populaires. A Paris, le club des Cordeliers, où parlaient Danton et Marat, débordait, par son recrutement plus populaire, le club des Jacobins 3, qui restait, alors, plus fermé. A cette date, on peut dire que déjà toute une partie des masses urbaines les plus politisées, démystifiées, était entrée dans la lutte: ce que l'on appellera la " sans-
3) Club des Jacobins : Constitué d’abord à Versailles par les députés de la région, il s’installa dans le couvent des Jacobins à Paris. Privé dès lors de ses membres modérés tels La Fayette et Sieyès, cette organisation passa aux mains des révolutionnaires les plus radicaux appelés Montagnards, car siégeant sur les gradins les plus élevés, et fut dominé par la personnalité de Robespierre. Ces Montagnards, maîtres du pouvoir en 1793, imposèrent une politique de salut public appelée la TERREUR. Divisée en trois périodes principales, cette « Terreur » se solda par l'incarcération d'environ 500 000 suspects, dont 40 000 environ furent guillotinés. Elle fut la principale période politique de déchristianisation, de contrôles économiques par l’état et de la redistribution des biens des suspects aux pauvres. Dans ses dernières semaines de pouvoir, elle supprima les garanties judiciaires aux accusés, et s'acheva avec la chute de Robespierre, le 9 Thermidor (28 juillet 1794).
Dans la révolution qui nous intéresse, une manipulation autre que celle de la bourgeoisie allait dans le même temps être déjouée, celle du roi. Malgré son serment fait au peuple le 14 juillet 1790, et l'exemple qu'il avait alors de l'Angleterre, beaucoup plus en avance que la France en ce qui concerne la monarchie constitutionnelle puis parlementaire, ceci n'allait pas empêcher Louis XVI de s’entêter à régler le conflit par la manière forte. Il monta secrètement une évasion de France dans le but de reformer une armée à partir d’un grand nombre d’officiers déjà émigrés à l’étranger. Celle-
Les piètres comportements craintifs de ce roi, plus attiré par la serrurerie que par la gestion de l'état, allaient en effet produire une inversion des motivations révolutionnaires vers la destitution de la royauté au profit de la république, ce qui jusqu’alors n’était pas même envisagé. Ces nouvelles données s’accentuèrent durant l’été 1791 par l’intervention des souverains étrangers, Empereur et roi de Prusse, qui lancèrent un appel à la coalition monarchique pour rétablir Louis XVI dans sa souveraineté.
Il donna alors dans la politique du pire, et comme pour se justifier auprès de ses assaillants il accepta une monarchie constitutionnelle, et forma en mars 1992 un gouvernement dit des Girondins à cause de l’origine d’un bon nombre d’entre eux. Le 20 avril il déclara la guerre au roi de Bohême et de Hongrie, et se trouva d’autant plus justifié que les premiers engagements furent désastreux pour une armée française en pleine mutation, désorganisée par l'émigration de ses officiers.
Moins attendue, au moins dans ses formes, son ampleur et sa maturité, fut la réaction populaire à cette situation nouvelle. A demi-
Ces conditions furent alors porteuses d'un aveuglement contre-
On garde souvent l'image de la prise de la Bastille comme l'image clé de la révolution prolétarienne ou encore les barricades du Faubourg Saint-
En cet instant crucial où le trouble était partout, le front de la bourgeoisie révolutionnaire se scinda au contact d'un mouvement populaire. De force seconde qu'il était, le mouvement le plus populiste passa au premier plan du dynamisme révolutionnaire. Le 10 août, ceux-
Il ne faut point chercher à dissocier les deux images sur lesquelles s'acheva cette phase de la Révolution: Valmy et les massacres de septembre, qui sont là comme pour démontrer que rien de réellement bon et équilibré ne peut sortir d’une révolution.
La bataille de Valmy, le 20 septembre 1792, brisa l'offensive prussienne en Champagne: redressement inespéré après les premières défaites, engagement médiocre dit-
Pour donner des dates, rappelons donc que le 21 septembre 1792 la monarchie est abolie, le 22 la république est proclamée.
Oh ! Il est évident qu’elle n'avait pas encore fière allure, cette république très controversée, qui était loin s'en faut comme de nos jours dans le cœur de tous les français ou presque, car elle était pour les plus pauvres, des paroles qu'ils ne comprenaient qu'à demi, quant-
Dans le dénombrement de ses participants actifs, la Révolution resta en effet un phénomène de minorité agissante. Dans les sections de Marseille par exemple, les poussées les plus massives de participation populaire n'amenèrent jamais plus du quart des adultes masculins du quartier aux assemblées de sections, que ce soit à l'été 92 ou au printemps fédéraliste de 93. Si l'on passait au dénombrement des " militants " véritables, le groupe actif se réduirait encore plus. De cette élite révolutionnaire des physionomies commencèrent cependant à se détacher, une mentalité révolutionnaire s'esquissa, puis le fossé se combla entre les masses révolutionnaires et les héros du drame.
Dans sa majorité le peuple français n'était pas encore près d'assumer une part politique, mais une première pierre était toutefois posée, et l'important est certainement la valeur que représenta alors cette première pierre dans le cœur des plus humbles. Celle qui commença de leur faire prendre conscience de leur dimension d'homme, de " Monsieur ", qu'ils étaient tous, car tous appelés " citoyens ".
Toute progression, surtout en matière de comportement collectif, ne se fait généralement pas en un jour, et " Rien de ce qui résulte du progrès humain, ne s'obtient avec l'assentiment de tous. Ceux qui aperçoivent la lumière avant les autres sont condamnés à la poursuivre en dépit des autres " comme le disait, il me semble, Christophe Colomb et pourquoi pas Jésus, le Christ. Si une part des bourgeois était motivée seulement par leurs propres convoitises, d'autres étaient conduits par une grande sincérité, qui peut de nos jours apparaître comme puérile à certains.
L'image que donnait Mathiez du maître de forge franc-
1) Les Enragés : Factions de militants les plus extrémistes des sans-
Au-
Contre-
Il n'avait jusque là vécu que dans l'ombre des grands qu'il idolâtrait souvent comme des gens " supérieurs ", mais il commença alors de mesurer la notion de son existence. Nous ne dirons pas pour autant que cette idolâtrie de l'homme " supérieur " n'exista plus depuis, mais elle reçut alors la première véritable flèche, car l'idée faisant son chemin, de plus en plus l'homme supérieur ne fut plus appelé qu'à gouverner et non à dominer. C'est fort heureusement ce que nous retrouvons de plus en plus, dans le stimulus de nos gouvernements actuels, mais aussi ce que nous devons en attendre pour l'avenir, sans nous contenter de " grands hommes " aux grandes " apparences ".
Ce qui changea, et ce que nous devons retenir comme étant le plus important avec le recul que nous avons, est la naissance de ce nouveau regard sur eux-
Sans ce recul, et si nous approfondissions encore un peu, nous risquerions de tirer une synthèse identique à celle d’un certain Karl Marx sur lequel notre regard portera bientôt.
Le bon nombre des journaliers agricoles qui avaient placé toutes leurs économies dans l'achat de peu de terre, souvent même de mauvaise qualité, commencèrent de se rendre compte qu'ils étaient tombés dans un piège. Chacun avait voulu être propriétaire, et la plupart avait couru après l'indépendance et le bonheur, abandonnant le gain sûr que leur procurait leur travail chez les fermiers, mais ne trouvèrent que la misère. Pour d'autres par contre, les riches bourgeois qui s'étaient " nantis " par l'achat en abondance des terres (clergé, puis biens nationaux), on allait les retrouver sept ans plus tard, en 1799, à la veille du 18 Brumaire (9 novembre), qui allait voir le coup d'Etat d'un Bonaparte premier consul, se regrouper sous le slogan " Il me faut un roi, parce que je suis propriétaire ".
Mme de Staël le nota sans tendresse, mais non sans humour: " La grande force des chefs de l'Etat en France, c'est le goût prodigieux qu'on y a pour occuper des places [ ... ]. Tout ce qui distingue un homme d'un autre est particulièrement agréable aux Français; il n'est pas de nation à qui l'égalité convienne moins; ils l'ont proclamée pour prendre la place des anciens supérieurs; ils voulaient changer d'inégalité...".
Cette révolution qui n'en finissait pas, allait trouver en Bonaparte celui qui lui fallait pour conclure. Mais, quelle conclusion pour ceux qui allaient en analyser les résultats ! Regardons un peu !
Le bonapartisme créa en effet le pouvoir personnel, amalgame de tradition monarchique et de simulacre démocratique. Le Premier consul gouverna et régna à la façon d'un souverain éclairé qui concéda au fait accompli de la Révolution, de s'entourer de formes républicaines, mais créa ainsi une situation fort ambiguë. L’attitude progressivement monarchique de son pouvoir, le rétablissement d'une vie de cour, depuis le Consulat jusqu'à la proclamation de l'Empire héréditaire et au couronnement, tout fut bien sûr la matérialisation d'un rêve de pouvoir absolu allant jusqu'à revêtir les formes d'une domination universelle, et ressusciter des archaïsmes ; Napoléon se prenant pour un nouveau Charlemagne.
La proclamation de l'Empire et les perpétuels renforcements du pouvoir personnel furent cependant autant de moyens de consolider les acquis de la Révolution en France et de défier la Contre-
Beaucoup de libertés furent pourtant reprises, la liberté d'expression fut brutalement réduite; dès le début de 1800, 60 journaux parisiens sur 73 sont supprimés, et les survivants ne durent pas publier d'articles « contraires au pacte social, à la souveraineté du peuple et à la gloire des armées » et, plusieurs d'entre eux « le Moniteur » ou « le Journal des débats » furent des feuilles « inspirées » par le pouvoir impérial.
Mais Napoléon, très vite, alla beaucoup plus loin. Il tint à définir une élite sociale et politique sur une base qui ne fut ni celle de la noblesse féodale « non sur les distinctions du sang, ce qui est une noblesse imaginaire, puisqu'il n'y a qu'une seule race d'hommes, disait-
Le génie de l'ouvrier étant néanmoins de savoir employer les matériaux qu'il a sous la main, les familles de l'ancienne noblesse y entrèrent cependant, car leurs « fortunes toutes faites » et leur influence durent être mises au service du gouvernement, qui n'était pas assez riche pour payer tout le monde.
Les fondements de l'aristocratie impériale furent donc le mérite personnel et le « service » rendu à l'Etat. C'est ainsi qu'il proclamait « Notre époque est celle du mérite; il faut laisser les fils des paysans monter par des talents et des services au premier rang... Partout où j'ai trouvé le talent et le courage, je l'ai élevé et mis à sa place. Mon principe était de tenir la carrière ouverte aux talents. » Ainsi naîtra une noblesse « historique » et « nationale », substituant aux parchemins les « belles actions, et aux intérêts privés les intérêts de la patrie ».
Napoléon vit donc dans la création d'une aristocratie d'un type nouveau, tout comme dans l'institution d'un Empire héréditaire, non pas une réaction ou une trahison à l'égard de la Révolution, mais, au contraire, une consolidation de l'ordre nouveau. « L'institution d'une noblesse nationale n'était pas contraire à l'égalité » pour lui; elle était « éminemment libérale et propre à la fois à consolider l'ordre social et à anéantir le vain orgueil de la noblesse ». Elle était l'une de ces « masses de granit » qu'il entendait jeter sur le sol de France pour asseoir définitivement la république. Dans un mélange, qui était bien dans sa manière autoritaire, dans l'affirmation des principes et le cynisme de leur exécution, il trouva dans le tempérament des Français la justification d'une nouvelle échelle de titres : « Il leur faut des distinctions, car c'est avec des hochets qu'on mène les hommes ».
A partir de 1804 et jusqu'en 1808, c'est-
Lors de la création des premiers titres nobiliaires en 1807, il fit par exemple le maréchal Lefebvre, duc de Dantzig à dessein, car dit-
C'est au niveau de l'organisation de la noblesse impériale que se situèrent les aspects les plus équivoques de la législation sociale napoléonienne. Etant très préoccupé, en effet, de mettre « sa » noblesse en état de soutenir quant aux apparences la concurrence de l'ancienne aristocratie, et d'aboutir à une fusion des éléments, l'Empereur incontestablement transgressa le principe de l'égalité civile et réintroduisit en France des traits de féodalité identiques aux précédents. Ce fut ce qui ressortit notamment de l'hérédité des titres nobiliaires, de la création de grands fiefs héréditaires avec substitution du domaine et transmission du titre au fils aîné, de la distribution de dotations en rentes, de l'institution des majorats sur l'initiative du gouvernement ou sur la demande des particuliers, autrement dit de propriétés de famille inaliénables destinées à garantir à l'héritier d'un titre de noblesse une fortune suffisante pour honorer ce titre, etc. Encore faut-
Le sort de la population n'avait par contre, pas véritablement changé. L’exode rural n'étant pas encore commencé, comme c'était le cas en Angleterre, la population des villes ne représentait que quinze à vingt pour cent. Les quatre-
Les paysans avaient souhaité, avec passion et parfois avec fureur, se libérer de l'exploitation féodale et seigneuriale, du poids de la dîme, du champart et autres taxes. Sur ce point, une partie d'entre eux n'avait obtenu qu'une satisfaction purement verbale. L’appellation des taxes avait en effet disparu du vocabulaire, mais non de la réalité économique pour tous ceux, métayers et fermiers, qui étaient obligés de prendre de la terre à bail. La législation révolutionnaire, de la Constituante à la Convention et au Directoire, avait, en effet, laissé, dans la pratique, le propriétaire-
Ajoutons à cela que, sous le Consulat et l'Empire, le retour d'un certain nombre d'émigrés sur ce qui leur restait de leurs terres et la restauration du prestige du clergé développèrent dans les campagnes, particulièrement dans l'Ouest et le Sud-
Il va de soi que l'image de la révolution française et de son évolution directe vers la " dictature " du premier empire Napoléonien que l'on reçoit sur les bancs de l'école, ne ressemble que faiblement au résumé du très bon ouvrage référencé en bibliographie, qui fait bien ressortir les retombées sociales, au-
La philosophie déjà riche au XVIIIème siècle d'idées utopiques, n'allait donc pas rester lointaine des analyses et conclusions à tirer de cette grande leçon d'histoire et de civilisation. S'il ne s'était rien passé de particulièrement concret durant des siècles pour alimenter ces courants de penser, il y avait là, matière à grandes réflexions.
Le propre du philosophe, étant son caractère idéaliste de la théorie développée, il devient d'une fragilité supérieure à la moyenne, s'il ressent une mise en pratique opposée à ses idéaux, allant jusqu’à justifier les limites de sa propre théorie. Je ne le dis par avance afin de pouvoir accuser d'une trop grande précipitation d'analyse les divers philosophes que nous citerons, mais bien au contraire afin que personne ne les juge dans leurs idéaux, et ne les accablent de l’entière responsabilité des révolutions qui allaient en naître. Des conflits tels qu'ils venaient de vivre eux-
Pour ne citer que quelques-
1) Saint-
2) Hegel (Friedrich), philosophe allemand (Stuttgart 1770-
3) Marx (Karl), Philosophe, économiste et théoricien du socialiste allemand (Trèves 1818-
4) Engels (Friedrich), théoricien socialiste allemand (Barmen, aujourd'hui intégré à Wuppertal, 1820 -
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